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wESh's Blog
4 mars 2010

Cases Mémorables : Jimmy Corrigan

Dans la bd semi-autobiographique de Chris Ware, Jimmy Corrigan, The smartest kid on earth, aucune case n'est destinée à se retrouver dans cette rubrique. Le travail graphique monumental de Ware produit avec maestria des cases qui s'impriment plutot dans le subconscient du lecteur. L'objectif est de ne pas nuire à la narration, de ne pas la parasiter par trop de détails inutiles ou par un réalisme m'as-tu-vu-?... démarche que je comparerais volontiers à celle d'un Marc Antoine Matthieu.

jimmycorrigan

Pourtant, des images obsessionnelles de l'auteur et obsédantes pour le lecteur finissent par imprimer profondément la mémoire. C'est le cas bien sur de l'image du père, omniprésente et étouffante ; soit qu'il soit lourdement et dangereusement présent, soit qu'il soit totalement absent et inconnu. Dans son post-scriptum, Ware résume ainsi son oeuvre : une bd dont le temps de lecture (6 ou 7 heures...) correspond au nombre total d'heures de contact avec son père ; et une bd dont le format correspond grosso modo à l'urne qui contient les cendres paternelles !

Bref, ici, je veux présenter une case mémorable de l'album : Ware nous compte l'histoire du grand-père de Jimmy, enfant. Lorsqu'il est abandonné par son père sur le toit d'une construction monumentale de l'expo universelle de 1893. La scène est d'une extrème violence puisque sublimée dans le rève de l'enfant cherchant le sommeil dans le dortoir de l'orphelinat.

jimmycorrigan2                    expouniv

Comme souvent chez C. Ware, la petitesse des textes et l'extrème petitesse des personnages  nous obligent à regarder de près, attentivement, à entrer dans l'histoire, entièrement. Par le même processus, la représentation de ce moment tragique reste empreinte d'une extrème pudeur.

Le découpage de ces deux planches (presque symétrique), la répétition du même plan sur deux grandes cases et le placement des textes fonctionnent à merveille. Le texte :

'Je l'ai suivi comme un animal fidèle

'jusqu'au bord

'du plus grand bâtiment du monde

'où il a posé la main sur mon épaule

'et appuyé doucement.

/case mémorable (muette (bien sûr!))

'Bien que ce soit un authentique geste de père

'et une façon très théatrale de mettre un terme à sa paternité

'une telle audace de la part de mon père ne trouve son chemin que dans la symbolique récurrente et abrégée de mes rêves.

De cette grande case muette, est isolé, deux cases plus loin, sans effet de zoom, le geste infanticide.

Il est certain que le lecteur a été longuement préparé pour cette scène. Elle s'inscrit dans la récurrence d'immage d'immeubles, un thème cher à l'auteur  (qui travaille sur une bd nommée "Building Stories") : par exemple, le suicide de superman et surtout, en fin d'album, l'illustration de l'envie suicidaire de Jimmy Corrigan.

Ware2_b      jimmycorrigan3  jimmycorrigan4

Chris Ware est un génie. Probablement le plus grand auteur de BD depuis Hergé, tant il a compris, intégré, utilisé, transformé et transcendé les possibilité narratives de la bande dessinée.

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Commentaires
S
j'ai acheté cette bd lorsqu'elle est sortie en France il y a maintenant quelques années. Cela m'a complètement bouleversé, c'est artistiquement fort.<br /> on en ressort pas indemne de l'univers de Corrigan (ou de Ware).
wESh's Blog
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